POUR EN FINIR AVEC LA "GAUCHE" BOURGEOISE
« Ne se proposant plus de travailler à l’avènement d’une autre société possible, la gauche ne peut plus avoir d’autre ambition que d’ajouter un peu de "conscience sociale" à des évolutions jugées irrésistibles. A l’ultralibéralisme, elle se contente donc d’opposer un "social-libéralisme" qui ambitionne d’infléchir un peu la mise en oeuvre des évolutions en cours, sans plus en contester les fondements. Le réformisme triomphe ainsi complètement, et avec lui l’idée qu’on peut seulement "aménager" ou réformer à la marge une fuite en avant que rien ne saurait véritablement endiguer.
Cette dérive a certes ouvert à la gauche de la gauche un espace politique où des acteurs plus radicaux cherchent à s’implanter, mais sans offrir d’autre alternative qu’une surenchère verbale à tonalité essentiellement morale. Le verbiage gauchiste conjugue posture révolutionnaire immature, base sociale bourgeoise, ultralibéralisme en matière de moeurs et surenchère moraliste à des mobilisations ponctuelles en faveur de secteurs de plus en plus périphériques de la société. On ne trouve chez ces groupes aucun véritable programme, aucune alternative clairement définie, mais – comme aussi chez beaucoup d’altermondialistes – un discours sans contenu assorti d’une ignorance totale de ce qu’est la politique. La plupart de bornent à faire dans l’assistance "humanitaire". Les plus "révolutionnaires" s’intéressent plus au lumpenprolétariat qu’au peuple, aux marginaux et aux sans-papiers qu’à la classe ouvrière à laquelle ils ne croient plus. Leur erreur est de croire qu’ils trouveront une force révolutionnaire de rechange dans ce que Marcuse appalait les "sinistrés du progrès", improbable catégorie recouvrant surtout aujourd’hui les travailleurs clandestins, le lumpenprolétariat, la "racaille" des banlieues, etc. C’est là une faute stratégique majeure, car le peuple se sent profondément étranger à cette catégorie, dont il réprouve souvent carrément les agissements (ce qui se comprend aisément car il en est la première victime).
Une erreur parallèle consiste à faire consister l’action politique de gauche dans la défense et la promotion des modes de vie alternatifs défendus par les groupes ultraféministes, les homosexuels, les partisans de la dépénalisation de la drogue, ce qui revient à militer pour un libéralisme culturel qui, sous couvert de déstabiliser conventions et préjugés, exalte à la manière bobo toutes sortes de comportements marginaux, dont il s’applique à faire autant de normes nouvelles. Cette façon de faire est l’héritière directe de l’hédonisme bourgeois (qui n’a cessé de coexister avec le bourgeoisime vieux style, austère et bien-pensant), voire un libertinage antisocial qui, comme tel, a toujours profondément choqué la common decency populaire. »
Alain de Benoist, interviewé par Rébellion n°26, septembre-octobre 2007
Autres réflexions d’Alain de Benoist : les Deux Mai 68
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