FRANÇOIS GROSS N’AIME PAS LES SOUVERAINISTES

Publié le par Unité Populaire

Depuis toujours, les élites ont eu des réticences à composer avec la démocratie, et si elles ont bien du se faire à un fonctionnement d’état républicain, c’est après avoir dépouillé autant que possible de ses pouvoirs de décision réels. Ces élites n’ont plus que le mot de « gouvernance » à la bouche, néologisme d’origine américaine qui exprime une sorte de gestion politique inspirée de l’entreprise privée et dans laquelle le peuple est progressivement écarté des affaires publiques (lire à ce sujet le très intéressant article Gouvernance d’Alain de Benoist).

 

A l’heure de la mondialisation, la résistance démocratique à des décisions prises parfois à des centaines ou des milliers de kilomètres de chez nous par des individus ignorant tout de nos conditions de vie, cette résistance passe par la revendication des souverainetés nationales et populaires, car elles seules peuvent nous garantir ce que Wilson appelait « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Les souverainismes ont de nombreux visages différents, mais on retrouve un point commun à tous : la volonté de confier les destins d’une nation au peuple qui l’habite et le refus de laisser ce peuple se laisser dépouiller de ce pouvoir décisionnel par des autorités étrangères ou supranationales. Pour les peuples européens, cette lutte s’inscrit aujourd’hui en premier lieu dans la résistance aux diktats de Bruxelles où le Parlement européen se contente d’ailleurs bien souvent de retransmettre les mots d’ordre de Washington en espérant nous y voir obéir docilement. Mais, Philippe Val nous l’expliquait il y a deux semaines dans un éditorial confus de Charlie Hebdo, le souverainisme ne saurait qu’être « honteux ». S’il le dit.

 

François Gross, chroniqueur au Temps, nous gratifie ce matin d’une attaque en règle contre les souverainistes (qu’il associe systématiquement à l’extrême droite et à l’ultranationalisme dans le but d’en détourner tous les vrais patriotes et tous les vrais socialistes). M. Gross nous met en garde contre le « tyran », soit le peuple lui-même. Bref, il voudrait d’une démocratie sans peuple. Sa harangue est assez représentative des positions défendues par les partisans de la « gouvernance » :

 

« Un bon candidat aux Chambres fédérales ne devrait pas oublier de glisser au détour d’un exposé de campagne quatre mots qui plongent l’auditoire dans une félicité perceptible. Quels sont-ils ? Tout simplement : LE  PEUPLE  EST  SOUVERAIN. Aussitôt, chacun dans la salle se carre dans son bon droit et ceint mentalement une couronne : C’est nous qu’on commande. Et d’envoyer valser pêle-mêle Bruxelles, les Nations Unies et ces conventions internationales que personne n’a lues et qui rognent les droits du monarque populaire. Aussi, quand le corps électoral et les cantons approuvent, en février 2004, l’internement à vie des délinquants sexuels ou violents jugés très dangereux et non amendables, le résultat de ce scrutin hautement émotionnel entre en conflit avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Pas moyen de biaiser. Il faut légiférer. Une commission du National se met au travail et baisse bientôt les bras : impossible de concilier l’inconciliable. Du nanan pour le national-populisme qui tire de son carquois électoral des flèches empoisonnées contre le droit international. La Suisse, proclament les affidés blochériens [!], ne va quand même pas baster devant des juges étrangers. Ce serait une honte ! [...] Il est pourtant des valeurs qui s’imposent au souverain quel qu’il soit s’il ne veut pas dégringoler au rang de tyran. »    François Gross, Le Noyau Dur, in. Le Temps, 20 septembre 2007

 

L’exemple que prend M. Gross est tout à fait bien choisi et j’avais aussi l’intention d’en parler une fois car il est peut-être plus que tout autre révélateur des atteintes graves portées régulièrement à notre souveraineté depuis quelques années. Je me souviens très bien de ce scrutin de 2004 sur l’internement à vie des délinquants sexuels. J’avais longtemps hésité avant de voter blanc, peut-être influencé par le fait que cette initiative citoyenne avait été récupérée par l’UDC et que je n’avais aucune envie de plébisciter quoi que ce soit qui vienne de ce parti. Je travaillais à ce moment-là dans une usine de sous-traitance mécanique pour gagner un peu d’argent, et nous avions longuement discuté de tout cela avec les ouvriers ; leur verdict était sans appel : 100% d’ouvriers étaient favorables à la nouvelle loi, tous âges et  toutes nationalités confondus. Si je devrais revoter aujourd’hui après réflexion, je pense que je voterais oui moi aussi, surtout après les faits divers atroces qui ont marqué cette année, des viols entre mineurs aux enlèvements et assassinats d’enfants. Ce scrutin était peut-être « hautement émotionnel » comme le dit M. Gross, mais il est tout à fait légitime et compréhensible que l’électeur veuille protéger ses enfants et prendre des mesures fortes pour que notre société devienne un peu plus sûre et agréable à vivre. Inutile de dire que le oui avait remporté une grande majorité des voix.

 

L’an passé, même posté au coeur de la Chine et n’ayant pas le temps de me préoccuper des affaires suisses, j’ai appris la nouvelle à peine croyable : la Cour européenne des droits de l’homme déclarait la loi en question non valable car en contradiction avec sa jurisprudence. Et voilà comment une décision démocratiquement approuvée par un peuple et promulguée officiellement par son gouvernement est balayée d’un revers de manche. Le message est clair : le droit international prime désormais sur les droits nationaux et une clique de technocrates n’ayant peut-être jamais mis les pieds chez nous est plus compétente que nous pour savoir ce qui nous convient et comment doit fonctionner notre pays. Ce sont là des atteintes graves à la démocratie.

 

La réponse de M. Gross aux préoccupations des Suisses manque d’à propos. En traitant de « blochériens » tous les partisans de cette loi et, de manière plus générale, tous les souverainistes, il ne fait qu’insulter le corps électoral en usant bien mal à propos de la vieille tactique sans cesse répétée du « sursaut antifasciste », histoire de diviser pour mieux règner et de détourner l’attention du vrai problème. En effet, l’important n’est pas de savoir qui a proposé ce projet de loi au vote populaire, mais plutôt qui a osé déclarer ce projet non avenu après qu’il ait été accepté par la population. Et est-ce vraiment aux mondialistes et aux parangons du néo-féodalisme européen de nous traiter de tyrans ?

 

 

David L’Epée, 20 septembre 2007

Publié dans chroniques

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